Coupes budgétaires brutales à l’Opéra National de Bordeaux


Depuis de trop nombreuses années, les financements publics alloués à l’Opéra National de Bordeaux stagnent, et ce malgré l’inflation. Depuis notamment la crise énergétique, notre structure est au bord de la rupture. Baisse du nombre d’opéras programmés, baisse des concerts symphoniques, des salaires en moyenne très largement en dessous de ceux d’autres structures équivalentes du pays, des effectifs incomplets dans à peu près tous les services, etc.
C’est dans ce contexte particulièrement fragile et tendu, que nous avons appris avec stupeur une baisse de subvention de 500 000 € pour l’année 2025, qui se répartit entre la Mairie de Bordeaux (150 000 €) et la Région Nouvelle-Aquitaine (350 000 €).
La Mairie est depuis toujours un soutien incontestablement important et fidèle de l’ONB. Mais nous ne pouvons que regretter une baisse immédiate de dotation allouée à l’ONB dès que le budget de la ville est prévu à la baisse, comme cela va certainement être le cas pour l’année à venir. A contrario lorsque le budget total augmente d’environ 35% sur les 10 dernières années, la dotation n’augmente pas du tout dans la même mesure.
La Région, qui initialement lors de la création des Orchestres et Opéras en région devait participer à hauteur d’un tiers (33%) au financement de ceux-ci, ne représente plus à Bordeaux, au gré de baisses successives, qu’environ 5 % du financement. Et ce alors que l’Opéra de Bordeaux est le seul employeur d’artistes permanents, et le premier employeur culturel de toute la Nouvelle-Aquitaine. La Région a ainsi décidé de couper plus d’un quart (25%) de ses subventions qui avaient pourtant déjà été soudainement baissées de 200 000 € en sortie de COVID. Soit en seulement 4 ans, une réduction de plus d’un tiers de sa subvention ! La baisse moyenne des structures culturelles en Nouvelle-Aquitaine a été d’environ 3% pour 2025. Pourquoi presque 10 fois plus pour l’ONB ? Pourquoi une telle sanction alors que notre déploiement en région est considérable (ballet, choeur et orchestre) ? Alors que notre orchestre porte même le nom d’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, jusqu’à présent avec fierté.
Nous avons une réponse partielle à cette question : les errements des gouvernements successifs, ayant abouti à toujours faire baisser les impôts des classes privilégiées et des entreprises, ont mené l’État, les Régions, les Départements et les Communes à des déficits abyssaux. Ceux-ci sont aujourd’hui le prétexte à des coupes budgétaires de l’État qui écrasent les collectivités territoriales et qui dans le secteur culturel aboutissent à remettre en cause jusqu’à l’existence de certaines structures. D’ailleurs, ce phénomène touche des orchestres, des opéras, des festivals ou des salles de spectacle mais aussi les conservatoires et les écoles de musique dont les moyens sont rognés.
Pour autant, les conséquences de ces décisions ont-elles réellement été pesées ? Car elles risquent d’être dramatiques, et d’aller à l’encontre de tous les principes de service public de la Culture que nous sommes supposés respecter : diminution de l’offre culturelle à destination des bordelais et résidents métropolitains, augmentation du prix des places (éloignant ainsi des salles de concert de nombreuses catégories sociales incapables de s’offrir un billet), désertion définitive des territoires éloignés, et donc une Région contrainte à l’abandon des habitants de Nouvelle-Aquitaine.
Au-delà de la programmation traditionnelle, une maison comme l’Opéra National de Bordeaux est un vecteur de lien social et d’éducation artistique considérable, qui s’adresse à tous les publics, de tous les âges. C’est aussi cet aspect de nos métiers qui va être mis à mal . Nous ne pouvons nous y résoudre. Nous ne pouvons imaginer que nos tutelles soient contraintes à prendre une décision si lourde de conséquences et brutale. L’Opéra National de Bordeaux n’est pas en mesure de se réinventer continuellement afin d’assumer de telles coupes budgétaires.
Nous appelons nos tutelles à prendre la mesure de l’importance du service public de la culture, et à une réactivité sans faille pour voter des budgets rectificatifs le plus vite possible dans cette période d’instabilité politique. Une société délestée de culture, d’art, de spectacles vivants, de musique, de théâtre, de cirque, d’opéras, n’en est plus vraiment une. Est-ce vraiment le modèle que nous souhaitons offrir à nos enfants ?