La direction de l’Opéra National de Bordeaux : plus mauvais élève des opéras de France?

Communiqué du SYNPTAC-CGT et du SAMNA-CGT

Mardi 26 mai 2020 – 11h

C’est avec un aplomb sans aucune mesure avec la hauteur sous plafond de la grande salle de l’Opéra que le directeur administratif et la directrice des ressources humaines ont annoncé aux syndicats de salarié·e·s présents à la deuxième* réunion de reprise d’activité que les technicien·ne·s et artistes salarié·e·s intermittent·e·s ne seront ni payé·e·s, ni indemnisé·e·s
pour le mois d’avril.

À noter l’absence remarquée du directeur général qui, après s’être largement exprimé dans la presse locale (Sud-Ouest du dimanche 24 mai), n’a pas jugé opportun de communiquer avec son personnel.

Le premier argument avancé est budgétaire, comme il se doit. Le budget de l’ONB bénéficie de plus de 75% de subventions publiques, mais d’après la direction, les subventions serviraient uniquement à financer le TOM (théâtre en ordre de marche). Les intermittent·e·s (artistes et techniciens) sont quant à eux sur les dépenses de la ligne « marge artistique ». La direction calcule une perte de 2,5M€ de recettes (billetterie, locations des espaces du théâtre, produits annexes…). Ce seront donc les plus précaires qui devront sauver la structure en subissant le manque à gagner.

Sauf que l’ONB est l’un des seuls de sa catégorie en France à abandonner aussi totalement une partie de ses salarié·e·s. Il est donc légitime de s’interroger comment font les autres. Qui plus est, l’ONB fait mentir son propre syndicat patronal, les Forces Musicales, dont le président déclarait encore il y a quelques jours que « tous ceux qui devaient travailler dans
nos maisons seront indemnisés ».

Certes, la direction prétend chercher activement des solutions. C’est une tactique efficace. On cherche, on cherche. Trouvera-t-on un jour ? Les chances de réussite sont minimes, mais en attendant, cela permet d’éviter les questions gênantes. L’Activité Partielle ne s’applique pas à l’ONB car à plus de 50% de subventions publiques. Pour autant, cette piste est explorée, et ré-explorée, ce qui a l’avantage de faire perdre du temps. Ce n’est pas grave, la direction de l’ONB lèvera les bras au ciel, l’Unedic prendra le relais ! Mais est-ce le rôle de l’assurance-chômage de surseoir aux paiements des salaires dûs ?

Une fois le sujet budgétaire épuisé, c’est au tour du trésorier-payeur général, qui d’après la direction de l’ONB, ne plaisante pas avec la clause de « service fait ». Or cette clause ne peut s’appliquer pour les contrats d d’engagements à durée déterminée d’usage (DCCU) de droit privé. Pourtant la direction continue de prétendre qu’elle ne peut honorer les salaires.

Le ministre de la Culture recommande, dès le 18 mars, que les structures
subventionnées les maintiennent. Cette recommandation est balayée du revers de la main.

La baisse de subvention de 200 000€ de la région Nouvelle-Aquitaine est également évoquée. Un nouvel argument pour faire des économies sur la marge artistique.

C’est à se demander si cette direction de l’Opéra de Bordeaux respecte d’autres recommandations que les siennes avec l’aval du Conseil d’Administration.

Nous sommes en droit de nous poser la question de savoir si la direction est à la hauteur de la situation ? Elle se retranche systématiquement derrière des impossibilités administratives une fois le budgétaire épuisé. Elle fait fi de son propre syndicat, fi des recommandations ministérielles, fi du savoir-faire de ses pairs dans la dynamique d’une démarche commune. Il est vrai que cela nécessite un changement de paradigme. La crise sanitaire et sociale que nous traversons révèle l’ancrage d’un autoritarisme de gestion qui sent la poussière, et une absence d’excellence sociale.

Pourquoi ne peut-elle pas faire ce que d’autres arrivent à faire, n’y a-t-il pas là un problème de compétence assortie d’un irrespect des métiers qui font qu’un théâtre est en ordre de marche ?

Cette réunion a été atterrante également par le manque de perspective artistique, d’écoute envers les représentants du chœur, de l’orchestre et du ballet qui sont force de proposition dans la reprise d’activité et les consignes de protection des salarié·e·s.

La solidarité de l’ensemble des salarié·e·s, permanent·e·s, vacataires et
intermittent·e·s sera le moteur de la réussite de cette reprise. Leurs forces et leurs voix devront porter au-delà du satisfecit de la direction pour une véritable reconnaissance de leur savoir-faire, à quelque niveau que ce soit, de l’ouvreur à la régisseuse, du danseur à la soliste…

Bordeaux, le 28 mai 2020

* le CHSCT du 15 mai avait en effet refusé un premier Plan de Reprise d’Activité